jeudi 6 novembre 2014

Revenu de Base et Monnaie


Les raisons de mettre en place un Revenu de Base sont nombreuses.
L'une des plus engageantes, à la fois d'un point de vue économique et d'un point de vue éthique, est celle-ci : un revenu de base permettrait d'éradiquer quasi instantanément la grande pauvreté.
Mais qu'est-ce que la pauvreté ?
Ne pourrait-on pas dire, de manière presque simpliste, que, dans une société monétisée comme la nôtre, la pauvreté est seulement un manque de monnaie profond et constant ? Si c'est le cas, et si nous sommes d'accord sur ces prémisses, il convient de se demander pourquoi certains ont de la monnaie, et d'autres pas.
Pour répondre à cette question, il convient d'en poser deux autres : 1. qui crée la monnaie, et 2. à qui cette monnaie est-elle distribuée ?
J'ai répondu maintes fois à ces questions, et je ne suis pas le seul. (Voir par exemple ici, ici, et ).


En deux mots :

La monnaie est créée par les banques à chaque fois qu'elles émettent un crédit, et détruite à chaque fois qu'un crédit est remboursé.

Explication : Quand quelqu'un vient dans une banque pour "emprunter" par exemple 100.000 euros pour se faire construire une maison, le banquier, par un simple jeu d'écritures comptables, augmente son bilan de 100.000 euros. La banque crée ainsi ex nihilo (c'est l'expression consacrée, c'est du latin, ça veut dire "à partir de rien") 100.000 euros de plus, qui n'existaient pas auparavant. Aucun compte n'a été débité dans l'opération.

Toute la monnaie qui figure sur nos comptes bancaires, soit 90 à 95% de la masse monétaire en circulation, vient obligatoirement de ce processus de création-là. Donc, pour toute unité de monnaie, il existe forcément quelqu'un, quelque part, tout le temps, qui paye des intérêts.
Collectivement, nous1 sommes tous endettés auprès du secteur bancaire.


Mais ce n'est pas tout :

Dans un tel système :
  • La distribution du pouvoir d'achat est inéquitable par construction. En effet, plus on est "riche", plus l'accès au crédit est facile et bon marché (pensez "gros projets", "immobilier", et "multinationales"), et plus on est "pauvre", plus l'accès au crédit est difficile et cher (pensez "découvert", et "agios"...).
  • De plus, dans un tel système, ce sont par définition les gens qui ont plus de monnaie que la moyenne qui reçoivent le plus gros des intérêts, et ce sont les gens qui ont moins de monnaie que la moyenne qui payent les intérêts. Dans un tel système, les plus riches s'enrichissent, et les plus pauvres s'appauvrissent.
La monnaie-dette est donc un système parfaitement efficace de redistribution des richesses du bas vers le haut.
D'où la nécessité absolue de mettre en place des mécanismes de compensation comme les impôts ou les cotisations sociales. Mais ces prélèvements ne sont, au mieux, que des flux inverses au prélèvement principal qui s'exerce en amont.
Le revenu de base mérite bien sûr largement sa place dans ces mécanismes redistributifs, mais il serait dommage de sous-estimer l'analyse monétaire et de ne pas prendre en compte la racine essentielle des inégalités croissantes que nous constatons.


Conclusion

La création monétaire est un "privilège régalien", c'est-à-dire un élément constitutif de la souveraineté. Actuellement, le souverain monétaire, c'est le secteur bancaire. Ne serait-il pas temps que les citoyens reprennent leur souveraineté sur cet aspect essentiel de l’économie et de la vie en commun ?
Ne serait-il pas temps d'examiner la cause essentielle des injustices que nous rêvons tant d'abolir ?
Forts de ces analyses, peut-être pourrions-nous envisager de redonner peu à peu la création monétaire à la société civile, et pourquoi pas, donner régulièrement à chaque citoyen, de manière individuelle, inconditionnelle et universelle, sa propre part de monnaie commune...
Ne serait-ce pas là le socle le plus solide et le plus durable pour fonder ensemble un Revenu de Base libre, équitable et souverain ?








Gérard Foucher - 6 novembre 2014




1  "nous" = les "agents non-bancaires" : particuliers, entreprises, État