Les
raisons de mettre en place un Revenu de Base sont nombreuses.
L'une
des plus engageantes, à la fois d'un point de vue économique et
d'un point de vue éthique, est celle-ci : un revenu de base
permettrait d'éradiquer quasi instantanément la grande pauvreté.
Mais
qu'est-ce que la pauvreté ?
Ne
pourrait-on pas dire, de manière presque simpliste, que, dans une
société monétisée comme la nôtre, la pauvreté est seulement un
manque de monnaie profond et constant ? Si c'est le cas, et si nous
sommes d'accord sur ces prémisses, il convient de se demander
pourquoi certains ont de la monnaie, et d'autres pas.
Pour
répondre à cette question, il convient d'en poser deux autres : 1.
qui crée la monnaie, et 2. à qui cette monnaie est-elle distribuée
?
J'ai
répondu maintes fois à ces questions, et je ne suis pas le seul.
(Voir par exemple ici,
ici, là
et là).
En
deux mots :
La
monnaie est créée par les banques à chaque fois qu'elles émettent
un crédit, et détruite à chaque fois qu'un crédit est remboursé.
Explication : Quand
quelqu'un vient dans une banque pour "emprunter" par
exemple 100.000 euros pour se faire construire une maison, le
banquier, par un simple jeu d'écritures comptables, augmente son
bilan de 100.000 euros. La banque crée ainsi ex nihilo (c'est
l'expression consacrée, c'est du latin, ça veut dire "à
partir de rien") 100.000 euros de plus, qui n'existaient pas
auparavant. Aucun compte n'a été débité dans l'opération.
Toute
la monnaie qui figure sur nos comptes bancaires, soit 90 à 95% de la
masse monétaire en circulation, vient obligatoirement de ce
processus de création-là. Donc, pour toute unité de monnaie, il
existe forcément quelqu'un, quelque part, tout le temps, qui paye
des intérêts.
Collectivement,
nous1
sommes tous endettés auprès du secteur bancaire.
Mais
ce n'est pas tout :
Dans
un tel système :
- La distribution du pouvoir d'achat est inéquitable par construction. En effet, plus on est "riche", plus l'accès au crédit est facile et bon marché (pensez "gros projets", "immobilier", et "multinationales"), et plus on est "pauvre", plus l'accès au crédit est difficile et cher (pensez "découvert", et "agios"...).
- De plus, dans un tel système, ce sont par définition les gens qui ont plus de monnaie que la moyenne qui reçoivent le plus gros des intérêts, et ce sont les gens qui ont moins de monnaie que la moyenne qui payent les intérêts. Dans un tel système, les plus riches s'enrichissent, et les plus pauvres s'appauvrissent.
La
monnaie-dette est donc un système parfaitement efficace de
redistribution des richesses du bas vers le haut.
D'où
la nécessité absolue de mettre en place des mécanismes de
compensation comme les impôts ou les cotisations sociales. Mais ces
prélèvements ne sont, au mieux, que des flux inverses au
prélèvement principal qui s'exerce en amont.
Le
revenu de base mérite bien sûr largement sa place dans ces
mécanismes redistributifs, mais il serait dommage de sous-estimer
l'analyse monétaire et de ne pas prendre en compte la racine
essentielle des inégalités croissantes que nous constatons.
Conclusion
La
création monétaire est un "privilège régalien",
c'est-à-dire un élément constitutif de la souveraineté.
Actuellement, le souverain monétaire, c'est le secteur bancaire. Ne
serait-il pas temps que les citoyens reprennent leur souveraineté
sur cet aspect essentiel de l’économie et de la vie en commun ?
Ne
serait-il pas temps d'examiner la cause essentielle des injustices
que nous rêvons tant d'abolir ?
Forts
de ces analyses, peut-être pourrions-nous envisager de redonner peu
à peu la création monétaire à la société civile, et pourquoi
pas, donner régulièrement à chaque citoyen, de manière
individuelle, inconditionnelle et universelle, sa propre part de
monnaie commune...
Ne
serait-ce pas là le socle le plus solide et le plus durable pour
fonder ensemble un Revenu de Base libre, équitable et souverain ?
Gérard Foucher - 6
novembre 2014
1 "nous"
= les "agents non-bancaires" : particuliers, entreprises,
État